Glossaire

Métaphores, analogies, statistiques, et narrations: Quatre manières de raisonner sur la rythmicité des changements

Tehching Hsieh - One Year Performance 1980-1981  (detail) (MoMa, New York City, 2018) (Photographie: M. Alhadeff-Jones)

Tehching Hsieh - One Year Performance 1980-1981 (detail) (MoMa, New York City, 2018) (Photographie: M. Alhadeff-Jones)

Envisagée sous l’angle des processus de pensée, l’intelligence rythmique implique différentes formes de raisonnement. On peut ici en retenir au moins quatre qui correspondent à autant de manières de rendre intelligibles les relations qui existent, ou sont susceptibles d’exister, entre des changements vécus ou observés (Alhadeff-Jones, 2018, pp.28-29).

Raisonnement métaphorique

Une première forme de raisonnement est de type métaphorique. Elle met en correspondance des phénomènes de changement hétérogènes à partir d’images qui permettent d’en penser l’organisation. On l’emprunte lorsqu’on différencie par exemple des « niveaux » de temporalités (p.ex., Adam, 1994; Lesourd, 2006 ; Roquet, 2007). Ainsi, la distinction entre le niveau « micro » des temporalités de l’action, le niveau « méso » des temporalités biographiques, ou le niveau « macro » des temporalités institutionnelles et historiques est une métaphore qui distingue différentes formes de changement en fonction d’une « échelle » qui leur est appliquée pour distinguer leur portée, leur envergure ou leurs rapports d’inclusion. Il en va de même pour l’idée de « croissance » qui évoque des phénomènes temporels (développement, évolution, etc.) en les rapportant à des changements physiques déployés dans un espace observable. La référence à des « niveaux » de temporalité ou à l’idée de « croissance » renvoient ainsi à des métaphores spatiales qui permettent de rendre compte de phénomènes qui demeurent par ailleurs enchevêtrés, invisibles ou imperceptibles par nos sens. Lorsqu’on envisage les changements vécus ou observés, sous l’angle rythmologique, c’est tout un langage et des référentiels sensibles ou imagés que l’on est ainsi susceptible de convoquer. Le recours aux théories rythmiques, développées notamment dans les arts, offre ainsi des mots et des représentations (balancement, ritournelle, rime, motif, mélodie, harmonie, syncope, etc.) ayant un pouvoir évocateur permettant de représenter la plasticité, les dynamiques d’organisation et de (re)prise de forme des phénomènes considérés. Si l’intérêt d’un raisonnement métaphorique réside dans la richesse du vocabulaire et de l’imaginaire auxquels il donne accès, ainsi qu’à leur puissance évocatrice, il comporte évidemment des limites. La plus significative réside probablement dans le fait que le recours aux métaphores ne permet pas d’expliquer de manière factuelle la nature des processus de changement vécus ou observés. Ainsi, établir des correspondances entre des images et des phénomènes temporels permet de les décrire, de les comparer, voire même de les catégoriser, mais sans pour autant permettre de rendre compte ou d’expliquer la nature des phénomènes qui en sont constitutifs. L’obstacle principal d’un raisonnement métaphorique est qu’il ne permet pas d’établir des correspondances logiques ou rationnelles établies de manière factuelle. Dans la perspective du développement d’une intelligence rythmique, le recours à des raisonnements de type métaphorique convoquant un vocabulaire imagé pour décrire des phénomènes, est non seulement inévitable, mais également souhaitable, dans la mesure où leur portée symbolique et leur puissance évocatrice constituent un moyen privilégié de représenter et de formuler certaines des caractéristiques propres aux changements vécus ou observés. D’un point de vue critique, cette ressource évocatrice doit toutefois être accompagnée d’une capacité à réfléchir sur la portée symbolique des métaphores employées et sur les limites des représentations qu’elles convoquent, dans un contexte donné.

Raisonnement analogique

Une seconde modalité de raisonnement est de type analogique. Des temporalités et des formes de changement hétérogènes sont mises en correspondance à partir des similarités ou des différences qui ressortent de leur comparaison. L’étude des analogies entre phénomènes rythmiques se retrouve, de manière plus ou moins rationnelle et critique, au cœur de nombreuses théories en sciences humaines. C’est notamment le cas en éducation où les phénomènes d’apprentissage et de développement ont depuis longtemps été envisagés à partir de la mise en correspondance de rythmes hétérogènes. Chez Platon par exemple, l’éducation musicale dès le plus jeune âge est indissociable du développement moral de la personne. Selon cette conception, l’exposition à des rythmes sensibles (musique, poésie) d’une certaine qualité aurait ainsi un effet direct sur le développement de la personnalité. Plus proche de nous, la pédagogie de Rudolf Steiner vise également à mettre en correspondance les rythmes vécus dans différentes sphères de l’existence (esthétiques, biologiques, discursive, cosmologique, etc.) en vue de privilégier un développement holistique de la personne (Alhadeff-Jones, 2017, 2018b). En sciences humaines, le recours à la notion de « synchronisation », empruntée à la biologie, est également utilisée, notamment en formation (Pineau, 2000) ou en psychologie sociale (McGrath & Tschan, 2004), pour rendre compte des rapports d’influence, d’entraînement ou de domination à travers lesquels certains rythmes (personnels, collectifs, organisationnels) s’imposent au sein de processus de formation ou de dynamiques de groupe, sur le modèle des rapports entre rythmes cosmologiques (cycles circadien ou saisonnier, par exemple) et rythmes biologiques (sommeil, reproduction, etc.) Les raisonnements pas analogie participe à la compréhension des changements vécus ou observés, dans la mesure où ils favorisent des mises en rapport reposant sur des phénomènes souvent assez intuitifs. Ainsi, le recours à l’analogie de la « vague » pour rendre compte de l’évolution de la pandémie du COVID-19 permet de communiquer un message accessible, relatif à l’évolution d’un phénomène biologique, en établissant une correspondance avec un phénomène physique universel. Tout comme le raisonnement métaphorique, le raisonnement analogique a toutefois ses limites. Les logiques qui fondent l’expérience de phénomènes physiques (p.ex., rythmes cosmologiques), biologiques (p.ex., fonctionnements physiologiques ou épidémiologiques), psychologiques (p.ex., apprentissages ou développement de la personnalité), sociologiques (p.ex., dynamiques de groupe ou rapports d’influence), et esthétiques (p.ex., danse, musique, poésie) sont de nature hétérogènes. Cela signifie que malgré des correspondances de forme, elles reposent sur des processus de nature très différente, entre lesquels il n’est pas toujours aisé d’établir des relations empiriques et rationnelles. Sous l’angle d’un raisonnement de type analogique, le développement d’une intelligence rythmique implique donc la capacité à établir des correspondances (similarités, différences, rapports de causalité) reposant sur des processus de comparaison impliquant l’observation de phénomènes hétérogènes, présents dans toutes les sphères de l’existence (monde physique, biologique, social, culturel). De même, il suppose une capacité critique de remise en question de la nature et de la légitimité de ces mises en correspondance, cela afin d’éviter le piège d’une pensée « panrythmique » (Sauvanet, 2000) qui tendrait à réduire la complexité des phénomènes observés à la mise en correspondance des dimensions rythmiques qu’ils manifestent de manière superficielle.

Raisonnement statistique

Une troisième modalité de raisonnement est de type statistique. Elle a recours à la quantification et au calcul pour établir des correspondances entre des changements qui manifestent une certaine régularité. L’évolution de la pandémie du COVID-19 a ainsi contribué au fil des mois à diffuser une compréhension rythmologique des processus de contamination, basée sur des analyses statistiques mettant en évidence les patterns qui caractérisent la diffusion du virus et de ses variants. De la même manière, l’usage de plus en plus répandu de capteurs mesurant et enregistrant l’activité corporelle (tension artérielle, rythme cardiaque, mouvement, etc.) contribue à diffuser une compréhension de notre santé qui repose sur la quantification de l’activité physique, sur sa représentation de manière mathématique (graphes, courbes, etc.) et sur les mises en correspondance issues d’algorithmes qui peuvent être établies entre différentes formes d’activités (biologiques, physiques, psychologiques, etc.) Avec l’avènement de la recherche en chronobiologie et en chronopsychologie (Testu, 2008), l’étude des rythmes d’apprentissage est également envisagée à partir de la mise en correspondance probabiliste entre des changements se produisant dans l’environnement physique (p.ex., heure de la journée, moment de l’année), et des changements physiologiques et psychologiques (p.ex., capacité d’attention, humeur, comportement), déterminant la qualité de l’expérience de formation. Plus largement, une approche statistique des rythmes comportementaux interroge la manière dont on modélise les séquences temporelles à travers lesquelles certaines activités se répètent et se succèdent (Magnusson, 2000). L’intérêt d’une approche statistique des phénomènes rythmiques est qu’elle permet d’établir des relations sur une base empirique, entre des phénomènes de changement qu’il est possible de modéliser. De même, elle peut permettre – dans une certaine mesure – d’anticiper certains phénomènes ou tout au moins d’établir des correspondances raisonnables entre eux. Tout comme les modalités de raisonnement métaphoriques et analogiques, l’approche statistique n’est pas exempte de dérives. D’abord, en rapportant la compréhension des phénomènes rythmiques à ce qui est quantifiable, elle réduit les possibilités d’interprétation en les limitant aux nombres, aux formules et aux algorithmes auxquels elle a recourt pour appréhender le réel. Ce faisant, elle réduit les rythmes étudiés à une conception périodique du changement qui met l’accent sur une compréhension des phénomènes rythmiques privilégiant l’étude des fréquences, des séquences, des périodes et des tempi, susceptibles d’être mesurés. D’autre part, en ramenant la rythmicité des phénomènes observés à leur dimension métrique, c’est-à-dire mesurable, elle privilégie le recours à des étalons (horloges, calendriers), des standards (unités de mesure), ou des normes (âge, fréquences d’un comportement) pour rendre compte des changements observés, délaissant tout ce qui est de l’ordre de la singularité et de la particularité des manières de fluer (Michon, 2005), c’est-à-dire ce qui est constitutif du « mouvement » du rythme (Sauvanet, 2000). En ce sens, une approche statistique des rythmes vécus ou observés ne permet pas de rendre compte de la dimension qualitative des changements vécus. Du point de vue du développement d’une intelligence rythmique, un mode de raisonnement de type statistique vient compléter les modalités métaphoriques et analogiques envisagées précédemment. En s’appuyant sur une puissance de calcul qui peut être externalisée (formules et algorithmes), il permet potentiellement de rendre perceptibles des phénomènes (séquences, corrélations) qu’il serait par ailleurs difficile, voire impossible, de saisir par les sens. Le recours à cette modalité de raisonnement implique toutefois, ici encore, le développement d’une capacité critique, non seulement pour établir la validité des mesures et des computations opérées, mais aussi et surtout pour pointer les limites inhérentes à la quantification des phénomènes de changement et leur réduction à une métrique impliquant la définition d’étalons, de standards ou de normes.

Raisonnement narratif

Une quatrième modalité de raisonnement repose sur des logiques d’explicitation et de narration. L’explicitation et la mise en récit des changements vécus impliquent autant l’énonciation de moments de rupture (épiphanie, crise, rupture, accident, discontinuité, etc.) que la description de phénomènes manifestant une certaine constance au fil du temps, tels que les habitudes, les scripts, les routines, ou les rituels reproduits au quotidien. Elles interrogent également la manière dont l’émergence ou la répétition de ces phénomènes s’inscrit dans le cours de l’existence et les logiques qui rendent compte de la reproduction de manières de penser, de ressentir et de se comporter à différentes périodes de la vie (Alhadeff-Jones, 2017). En sciences humaines, ce type de raisonnement apparaît comme central dans le développement des pratiques d’analyse de l’activité, d’histoire de vie, ou de recherche biographique. Ainsi, l’explicitation et la mise en récit de l’expérience vécue permettent d’envisager l’inscription temporelle des processus d’apprentissage, de (trans)formation, et de développement, en décrivant leur déroulement et les significations qui leur sont associées, dans la vie d’une personne ou d’un collectif (Dominicé, 1990 ; Lesourd, 2009). Le travail d’explicitation et de mise en récit de l’expérience vécue apparaît ainsi comme complémentaire des modes de raisonnement métaphorique, analogique et statistique. D’un côté, le travail d’explicitation renvoie à une approche phénoménologique qui interroge les manières dont on a recours au langage pour décrire et rendre compte de la réalité sensible des changements vécus ou observés. D’un autre côté, la mise en récit de l’expérience suppose un travail de « mise en intrigue » (Ricoeur, 1983) qui permet d’élaborer la trame à partir de laquelle on organise la complexité temporelle de l’existence et on lui donne une signification. Sous l’angle du développement d’une intelligence rythmique, accroître et affiner les capacités d’explicitation et de narration de l’expérience vécue présente un intérêt certain. L’élaboration de processus narratifs interroge en effet les rapports entre langage (complexité discursive), interprétation (complexité herméneutique) et les manières dont on se représente la succession des changements vécus ou observés, ainsi que les temporalités et les rythmes qu’ils produisent. De plus, l’élaboration de processus narratifs participe à une capacité de synthèse et d’organisation temporelle particulièrement efficiente (explicitation des rapports de synchronie et de diachronie, chronologie) qui comporte des vertus sur le plan identitaire (p.ex., prise de conscience de la singularité du sujet) et une puissance évocatrice et communicationnelle avérée (p.ex., instrumentalisation du storytelling). Finalement, le développement de capacités d’explicitation et de narration de processus de changement peut participer à la mise en exergue de dimensions tacites ou inconscientes de l’expérience dont la formulation peut contribuer à des processus eux-mêmes (trans)formateurs (Alhadeff-Jones, 2017, 2020).

Métaphores, analogies, statistiques et narrations: Quatre modalités d’expression et de développement d’une intelligence rythmique

La capacité à élaborer, formuler, analyser, interpréter, évaluer, juger ou remettre en question des raisonnements de types métaphorique, analogique, statistique, et narratif, constitue la pierre angulaire du développement d’une intelligence rythmique, envisagée sous l’angle du language et du raisonnement. Cette perspective a le mérite de mettre en évidence la richesse discursive et interprétative qui fonde une appréhension rythmologique des changements vécus ou observés. Elle démontre également l’importance d’une capacité critique qui permette d’identifier les limites des discours et des raisonnements mobilisés pour rendre compte des processus de changement d’un point de vue rythmologique. Une telle approche ne devrait toutefois pas occulter le fait que l’exercice d’une intelligence rythmique ne se réduit pas à ses composantes langagières, discursives ou rationnelles. L’exercice d’une intelligence rythmique convoque en effet tous les sens et implique des modes d’appréhension du réel qui ne mobilisent ni langage, ni raisonnement, quand bien certains peuvent être mis en mots et réfléchis a posteriori.

References

Adam, B. (1994). Time and social theory. Cambridge: Polity Press.

Alhadeff-Jones, M. (2017). Time and the Rhythms of Emancipatory Education. Rethinking the Temporal Complexity of Self and Society. London, Routledge.

Alhadeff-Jones, M. (2018a). Pour une approche rythmologique de la formation. Education Permanente, 217, 21-32.

Alhadeff-Jones, M. (2018b). Concevoir les rythmes de la formation : Entre fluidité, répétition et discontinuité. In P. Maubant, C. Biasin, P. Roquet (Eds.), Les temps heureux des apprentissages (pp.17-44). Nîmes, France: Champ social.

Alhadeff-Jones, M. (2020). Explorer l’inconscient rythmique dans les pratiques d’histoires de vie en formation. Education Permanente, 222, 43-51.

Dominicé, P. (1990). L’Histoire de vie comme processus de formation. Paris: L’Harmattan.

Lesourd, F. (2006). Des temporalités éducatives. Pratiques de formation/Analyses 51-52, 9-7.

Lesourd, F. (2009). L’homme en transition. Education et tournants de vie. Paris: Economica- Anthropos.

Magnusson, M.-S. (2000). Discovering hidden time patterns in behavior: T-patterns and their detection. Behavior Research Methods, Instruments and Computers, 32, 93-110.

Michon, P. (2005). Rythmes, pouvoir, mondialisation. Paris: PUF.

McGrath, J. E. & Tschan, F. (2004). Temporal Matters in Social Psychology: Examining the role of time in the lives of groups and individuals. Washington DC: APA Publications.

Pineau, G. (2000). Temporalités en formation: Vers de nouveaux synchroniseurs. Paris: Anthropos

Roquet, P. (2007). La diversité des processus de professionnalisation. Une question de temporalités ? Carriérologie, 11, 195-207.

Ricoeur, P. (1983). Temps et récit 1. L’intrigue et le récit historique. Paris: Seuil.

Sauvanet, P. (2000). Le rythme et la raison (2 vol.) Paris : Kimé.

Testu, (2008). Rythmes de vie et rythmes scolaires. Paris: Masson.


Citer cet article: Alhadeff-Jones, M. (2021, mars 15). Métaphores, analogies, statistiques, et narrations: Quatre manières de raisonner sur la rythmicité des changements. Rhythmic Intelligence. http://www.rhythmicintelligence.org/blog/2021/3/15metaphores-analogies-statistiques-et-narrations

Approche rythmologique et intelligence rythmique

Sybil Andrews, The Winch, 1930 (Source: https://www.british-arts.com/artists/sybil-andrews/)

Sybil Andrews, The Winch, 1930 (Source: https://www.british-arts.com/artists/sybil-andrews/)

L’intelligence rythmique présuppose un mode d’appréhension du réel qui place l’accent sur les rythmes qui sont constitutifs des phénomènes vécus ou observés. De ce point de vue, elle traduit un regard spécifique que l’on pourrait qualifier de « rythmologique ». Dans la mesure où l’expérience de phénomènes rythmiques permet de décrire et de rendre compte de manière intuitive de la façon dont le temps, l’espace et les changements sont vécus, autant d’un point de vue existentiel que dans les aspects les plus mondains de la vie quotidienne, le concept de rythme constitue une entrée privilégiée pour appréhender la fluidité du réel (Alhadeff-Jones, 2018b, p.24):

Le concept de rythme se révèle d’autant plus pertinent qu’il est un concept nomade qui s’est déployé, au fil de l’histoire des idées, dans différentes disciplines (Michon, 2005, 2017; Sauvanet, 1999, 2000). Appréhendé à partir de son étymologie et de l’usage qui en a été fait dans la philosophie grecque d’Archiloque à Aristoxène, le concept de rythme renvoie d’emblée à une tension critique entre ordre et mouvement, substance et flux. Comme le relève Sauvanet (1999, p.6), le rhuthmos grec évoque tantôt la forme que prend une chose dans le temps, tantôt la forme telle qu’elle est transformée par le temps. Renvoyant à une « configuration changeante » ou une « forme fluide », le concept de rythme permet ainsi d’évoquer un ordre évolutif sans le réduire, ni à une substance, ni à un flux dénué de forme.

Comment dès lors concevoir des phénomènes perçus ou vécus, à partir des « formes en mouvement » qui en sont constitutives (Alhadeff-Jones, 2018b, p.24) ?

Pour Sauvanet (2000), l’étude de phénomènes rythmiques suppose de mettre en évidence les «patterns» qui les structurent, les « périodicités » à partir desquelles ces motifs se répètent, et le « mouvement » singulier qui les caractérisent, avec ses variations et ses discontinuités. Pour Michon (2005), dans une perspective anthropologique, l’étude des phénomènes rythmiques suppose d’étudier les « manières de fluer » prises par le langage, les corps, les interactions sociales, ainsi que leurs contributions aux processus d’individuation et aux rapports de force qu’ils traduisent.

En croisant ces approches (Alhadeff-Jones, 2017, 2018a), on dispose d’une première matrice pour aborder certains des rythmes qui caractérisent des phénomènes organisés (Alhadeff-Jones, 2018b, p.24):

On peut ainsi chercher à rendre compte des patterns qui sont constitutifs des discours, des gestes et des interactions sociales autour desquels [ils] s’organise[nt]. On peut explorer leur périodicité, c’est-à-dire les modalités de répétition à travers lesquels ces patterns se reproduisent, en s’intéressant à leur fréquence, à leur période et au tempo qui les caractérisent. On peut finalement appréhender ce qui singularise leur développement, en s’intéressant aux variations observées ou vécues, tels que les interruptions, les événements, les crises, ou les accidents, à travers lesquels les rythmes [caractéristiques des phénomènes observés] se transforment et se renouvellent.

Approche rythmologique et intelligence rythmique

Sur la base de ces éléments, et en reprenant la définition de l’intelligence rythmique proposée ici, on peut désormais envisager de manière synthétique une reformulation de ce que cette notion implique d’un point de vue rythmologique. L’intelligence rythmique mobilise une capacité, individuelle et collective, à connaître, comprendre et se représenter (1) les patterns qui sont constitutifs des manières de sentir, des comportements, des discours, des gestes, des traces ou des interactions inhérents à tout phénomène organisé, observé ou vécu; (2) les modalités à travers lesquelles ces manières de sentir, comportements, discours, gestes, traces ou interactions se répètent au fil du temps; ainsi que (3) les variations et les discontinuités qui affectent leur évolution en révélant la singularité de ces manières de fluer. De même, l’intelligence rythmique suppose une capacité d’adaptation et de résolution de problèmes, à la fois délibérée, stratégique et critique, qui repose sur la capacité à influer sur l’évolution des patterns, des périodicités et des mouvements qui caractérisent les manières de sentir, comportements, discours, gestes, traces ou interactions observés ou vécus. Ce faisant, l’exercice d’une intelligence rythmique est susceptible de contribuer au développement de relations privilégiées au sein d’un environnement donné, reposant sur la capacité à renforcer des phénomènes de résonance impliquant la (ré)organisation des relations qui s’établissent entre les patterns, les périodicités et les mouvements caractéristiques des manières de fluer, observées ou vécues.

Références

Alhadeff-Jones, M. (2017). Time and the rhythms of emancipatory education. Rethinking the temporal complexity of self and society. London: Routledge.

Alhadeff-Jones, M. (2018a). Concevoir les rythmes de la formation : entre fluidité, répétition et discontinuité. In P. Maubant, C. Biasin & P. Roquet (Eds.) Les Temps heureux des apprentissages (pp.17-44). Nîmes, France: Champ Social.

Alhadeff-Jones, M. (2018b). Pour une approche rythmologique de la formation. Education Permanente, 217, 21-32.

Michon, P. (2005). Rythmes, pouvoir, mondialisation. Paris : Presses Universitaires de France. 

Michon, P. (2017). Elements of rhythmology (Vol. 1 & 2). Paris: Rhuthmos. 

Sauvanet, P. (1999). Le rythme grec d’Héraclite à Aristote. Paris : Presses Universitaires de France.

Sauvanet, P. (2000). Le rythme et la raison (2 vol.) Paris : Kimé.


Citer cet article: Alhadeff-Jones, M. (2021, mars 8). Approche rythmologique et intelligence rythmique. Rhythmic Intelligence. http://www.rhythmicintelligence.org/blog/2021/3/8/approche-rythmologique-et-intelligence-rythmique

Approche processuelle et intelligence rythmique

“General Dynamics, Undersea frontiers - Electric boat” by Erik Nitsche (1960) (Source: https://www.galerie123.com/en/original-vintage-poster/36614/general-dynamics-undersea-frontiers-electric-boat/)

“General Dynamics, Undersea frontiers - Electric boat” by Erik Nitsche (1960) (Source: https://www.galerie123.com/en/original-vintage-poster/36614/general-dynamics-undersea-frontiers-electric-boat/)

L’intelligence rythmique présuppose un mode d’appréhension du réel qui met l’accent sur les mouvements qui en sont constitutifs. De ce point de vue, elle implique une sensibilité que l’on retrouve dans les approches dites « processuelles ». Pour en saisir les contours, je reproduis ici un extrait d’un article que j’ai publié en 2018 dans la revue Education Permanente*. Ce texte définit les présupposés de base qui caractérise une approche processuelle et plus spécifiquement une approche processuelle de l’éducation et de la formation. 

*Source: Alhadeff-Jones, M. (2018). Pour une approche rythmologique de la formation. Education Permanente, 217, 21-32.

Pour une approche processuelle de la formation

Depuis l’Antiquité, une longue filiation existe en philosophie, mettant l’accent sur les aspects volatiles et fluides des phénomènes, plutôt que sur leurs dimensions stables ou substantielles. En Occident, avec des penseurs tels que Héraclite, Leibniz, Bergson, Peirce, James ou Whitehead, a ainsi émergé ce que certains chercheurs identifient comme une philosophie processuelle (process ou processual philosophy), approche que l’on retrouve aujourd’hui dans différentes disciplines académiques (Helin et al., 2016 ; Nicholson et Dupré, 2018 ; Rescher, 2000). Dans cette perspective, la compréhension du monde repose d’abord sur l’étude des aspects actifs et changeants qui forment notre réalité, plutôt que sur ce qui en constituerait la substance. Sur le plan ontologique, le présupposé est que tout être (un objet, un savoir, une personne, un organisme, etc.) est non seulement le produit de processus, mais plus fondamentalement sa manifestation. Un processus renvoie ainsi à un phénomène impliquant une série de développements, reliés de manière fonctionnelle ou causale, et se déroulant de manière coordonnée et programmée (Rescher, 2000). L’intérêt de ce concept est de permettre la mise en lien de phénomènes constitutifs du réel, que la pensée tend à séparer. Ainsi, un processus renvoie à un ensemble complexe d’occurrences disposant d’une cohérence temporelle qui se manifeste par une séquence organisée d’événements, impliquant à leur tour des processus enchevêtrés.

L’éducation et la formation sont des processus. Cela va de soi, et pourtant, il est fréquent d’observer combien on tend à les réduire à ce qu’elles mobilisent ou produisent (dispositifs, connaissances, schèmes, compétences, identités, etc.), aux « abstractions » qui les symbolisent (intitulés, programmes, cadre législatif), aux « objets » qui les matérialisent (agencement physique, infrastructure, etc.), tout en les considérant, avec les sujets qu’elles affectent (l’apprenant, l’équipe de travail, l’entreprise, etc.), comme autant de « personnes », d’«éléments » ou d’« entités » stables, voire statiques, dotés d’une relative autonomie et d’une « nature » intrinsèque. Dans une perspective processuelle, les produits, les abstractions, les objets et les sujets constitutifs de la formation sont à concevoir en premier lieu à partir des processus (ordonnés) et des dynamiques (désordonnées) dont ils émergent et auxquels ils participent, plutôt qu’à partir des formes d’équilibre et de stabilité qui leur préexistent ou qu’ils expriment à un moment donné de leur évolution. Dans cette optique, les produits, les abstractions, les objets et les sujets qui participent à la formation, au même titre que les environnements dans lesquels ils évoluent, sont à concevoir comme étant en perpétuel mouvement : des cycles circadiens et des saisons qui rythment les programmes de cours, aux rythmes biologiques et psychologiques qui animent les apprenants, en passant par l’alternance des phases d’apprentissage, rythmés par les horaires et les calendriers, les interactions sociales ou la succession des discours, normes et conventions sociales, à travers lesquels tout dispositif et toute politique de formation se développent et évoluent au fil de l’histoire.

Comme autant d’hélices, chaque « élément » de la formation – formelle, non- formelle ou informelle – est en perpétuel mouvement. Dans une perspective processuelle, ses effets sont à concevoir à travers les flux (physiques, biologiques, psychologiques, sociaux, culturels, informationnels, etc.) à la fois distincts, variables et enchevêtrés, qui l’animent et qui s’en dégagent. Une telle approche met ainsi l’accent sur les patterns qui relient les actions observées ou vécues, plutôt que sur la nature des aspects qui y sont associés. On peut alors concevoir un processus de formation (certification, professionnalisation, émancipation, etc.) comme étant enchevêtré à des processus d’apprentissage, dont la répétition et l’organisation participent à des processus de transformation, dont l’émergence et la succession contribuent à des processus de développement qui, récursivement, influencent les autres processus de formation avec lesquels ils interagissent. Une telle approche met dès lors l’accent sur ce qui relie les différents aspects de la formation (l’apprentissage d’un geste, un changement de point de vue, le développement d’une posture professionnelle, etc.) en s’intéressant aux configurations à travers lesquelles ils s’organisent dans le temps, plutôt qu’aux états ou aux entités qui leur préexistent ou qui en émergent.

Approche processuelle et intelligence rythmique

L’extrait reproduit ci-dessus ouvre des pistes pour envisager le développement d’une intelligence rythmique. Dans une perspective processuelle, l’intelligence rythmique renvoie à la capacité d’adopter une compréhension des phénomènes vécus ou observés, axée sur leur nature changeante et fluctuante, plutôt que stable et substantielle. Une telle posture implique ainsi une capacité critique à remettre en question les postulats «substantialistes» omniprésents dans l’imaginaire contemporain. Elle suggère également d’être sensible aux dynamiques qui participent à la stabilité apparente des phénomènes. Plus spécifiquement, elle suppose une attention particulière aux flux, aux patterns, aux relations causales complexes, et à l’organisation temporelle de séquences d’événements, à la fois distincts, variables et enchevêtrés.

Références

Helin, J. et al. (Eds.) (2016). The Oxford Handbook of Process Philosophy and Organization Studies. Oxford: University Press.

Nicholson, D.-J., & Dupré, J. (Eds.) (2018). Everything Flows. Towards a Processual Philosophy of Biology. Oxford: University Press.

Rescher, N. (2000). Process Philosophy. A survey of Basic Issues. Pittsburgh: University of Pittsburgh Press.


Citer cet article: Alhadeff-Jones, M. (2021, mars 1). Approche processuelle et intelligence rythmique. Rhythmic Intelligence. http://www.rhythmicintelligence.org/blog/2021/3/1/approche-processuelle-et-intelligence-rythmique

L'Intelligence rythmique comme forme spécifique d'intelligence

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Le terme « intelligence » est emprunté au latin intellegentia qui évoque l’action ou la faculté de connaître, de comprendre, l’entendement. Le terme dérive de intellegere (-inter « entre » et -legere « cueillir, rassembler ») qui renvoie à la capacité de l’esprit de choisir, d’apprécier et de comprendre (Rey, 2000, p.1855). C’est dans ce sens que le terme est aujourd’hui utilisé pour évoquer la capacité d’organiser une compréhension du réel et l’aptitude qui permet d’adapter le déroulement d’une action. Le mot renvoie également à une seconde signification qui évoque une relation complice, plus ou moins secrète, d’entente avec une autre personne ou une chose (ibid.) On évoque ainsi le fait d’être en intelligence avec une personne proche ou avec la nature. Sur la base de ces significations, les sections suivantes explorent le recours au terme d’intelligence pour envisager les modalités de compréhension et de régulation de phénomènes rythmiques, vécus ou observés.

Une capacité d’appréhender l’organisation du réel en pensées ou en actes

Le sens attribué au mot « intelligence » en philosophie, puis en psychologie à partir du XIXème siècle, suggère d’envisager les phénomènes qu’elle évoque comme étant rattachés à une fonction mentale d’organisation du réel en pensées ou en actes. Le terme renvoie ainsi chez l’être humain à l’« ensemble des fonctions psychiques et psycho-physiologiques concourant à la connaissance, à la compréhension de la nature des choses et de la signification des faits… ». Il suggère également une aptitude à la connaissance, le développement de capacités intellectuelles ou l’acte de comprendre avec aisance ou d’avoir une connaissance approfondie de quelque chose (Trésor de la Langue Française Informatisé, 2021, para. I.A.)  En ce sens, la notion d’intelligence rythmique évoque la capacité de connaître, de comprendre et de se représenter les dimensions rythmiques inhérentes à tout phénomène organisé, vécu ou observé. Néanmoins, reconnaître la dimension mentale d’une forme d’intelligence ne présuppose pas qu’elle se réduit à des processus psychologiques individuels. Comme cela ressort à travers la notion d’intelligence collective, la capacité de compréhension des phénomènes rythmiques peut également émerger de processus d’élaboration partagés, supposant l’engagement de plusieurs personnes dans la compréhension d’un phénomène qui serait difficile à appréhender individuellement. Par ailleurs, l’intelligence rythmique ne se réduit pas non plus au traitement de représentations strictement discursives (langage) ou logiques (déduction). Il convient également de l’envisager, en congruence avec les travaux sur les intelligences multiples (Gardner, 1983), à travers différentes modalités d’appréhension concrètes ou symboliques du réel, telles que celles qui s’expriment par la musique, dans l’espace, par le mouvement, sur le plan affectif ou relationnel.

Une aptitude qui permet l’adaptation aux exigences d’une action située

Comme l’évoque la définition du terme, l’intelligence renvoie non seulement à une capacité de penser, mais également à la « fonction mentale d’organisation du réel en actes ». Il suggère ainsi « [l’]aptitude à appréhender et organiser les données de la situation, à mettre en relation les procédés à employer avec le but à atteindre, à choisir les moyens ou à découvrir les solutions originales qui permettent l'adaptation aux exigences de l'action. » (Trésor de la Langue Française Informatisé, 2021, para. I.B). Dans le sens courant, le terme évoque ainsi « [l’] habileté à tirer parti des circonstances, ingéniosité et efficacité dans la conduite de son activité. » En ce sens, l’intelligence rythmique, comme d’autres formes d’intelligence, renvoie à une capacité d’adaptation et de résolution de problèmes qui implique non seulement « science et conscience » (Morin & Le Moigne, 1999), connaissance et réflexivité, mais également une capacité à sentir et à agir, de façon à influer sur les rythmes qui composent les environnements physiques, vivants et humains, dans lesquels elle s’exerce, de manière délibérée, stratégique et critique. La notion d’intelligence rythmique peut ainsi être envisagée à partir des travaux sur la « pensée complexe » élaborés par Morin (1990) et sur « l’intelligence de la complexité » évoquée par Morin et Le Moigne (1999). Dans cette optique, on peut la concevoir comme une capacité de reliance qui s’exerce de manière délibérée et pragmatique dans un environnement donné, reposant sur l’exploration et la mise en relation des dynamiques et des processus à travers lesquels s’organisent des phénomènes identifiés comme complexes, tout en entretenant une conscience critique des limites propres à l’entendement humain. 

Une capacité de s’entendre, de se comprendre et d’être en harmonie et avec autrui et avec le monde environnant 

Le terme d’intelligence évoque finalement les relations d'entente qui s’établissent entre des personnes qui se connaissent et se comprennent. Le mot évoque ainsi « [l’] action de s’entendre, de se comprendre [ou le] résultat de cette action » (Trésor de la Langue Française Informatisé, 2021, para. II). Il renvoie à des formes d’accord ou d’entente tacites, avec des personnes ou des choses, qui peuvent suggérer une forme de connivence, ou d’harmonie. Sous cet angle, l’intelligence rythmique peut être envisagée comme le moyen ou le produit d’un processus organisé, et donc rythmé, d’entente et de compréhension réciproque qui participerait au développement ou à l’entretien de relations privilégiées avec autrui. De même, elle suggère une capacité d’entrer en résonance, via des processus de synchronisation, avec des phénomènes, naturels ou sociaux, susceptibles d’accroître la qualité et la compréhension de l’expérience vécue.

L’intelligence rythmique: Essai de définition

Sur la base de ces éléments, on peut envisager la notion d’intelligence rythmique, comme une fonction reposant sur la capacité, individuelle et collective, à connaître, comprendre et se représenter les dimensions rythmiques, inhérentes à tout phénomène organisé, observé ou vécu. Elle implique des modalités d’appréhension concrètes ou symboliques du réel, qui intègrent et dépassent les aspects discursifs et logiques. L’intelligence rythmique suppose également une capacité d’adaptation et de résolution de problèmes qui implique une capacité à sentir et à agir, de façon à influer sur les rythmes qui composent les environnements physiques, vivants et humains dans lesquels elle s’exerce, de manière délibérée, stratégique et critique. Elle renvoie plus fondamentalement à une capacité de mise en lien qui explore et établit la nature des dynamiques et des processus à travers lesquels s’organisent des phénomènes rythmiques, identifiés comme complexes, tout en entretenant une conscience critique des limites propres à l’entendement humain. Finalement, l’intelligence rythmique peut être envisagée à travers la fonction qu’elle remplit dans le développement de relations privilégiées au sein d’un environnement donné. Elle suppose ainsi une capacité d’entrer en résonance avec autrui et avec des phénomènes naturels ou sociaux, susceptibles d’accroître la qualité et la compréhension de l’expérience vécue.

Références

Gardner, H. (1983). Frames of mind. New York: Basic Books.

Rey, A. (Ed.). (2000). Intelligence. In Le Robert - Dictionnaire historique de la langue française (pp.1855-1856). Paris.

Trésor de la Langue Française Informatisé (2021). Intelligence. Accédé le 25.1.2021 à l’adresse: http://atilf.atilf.fr/tlf.htm

Morin, E. (1990). Introduction à la pensée complexe. Paris: ESF.

Morin, E., & Le Moigne, J.-L. (1999). L’Intelligence de la complexité. Paris: L’Harmattan.


Citer cet article: Alhadeff-Jones, M. (2021, février 22). L'Intelligence rythmique comme forme spécifique d'intelligence. Rhythmic Intelligence. http://www.rhythmicintelligence.org/blog/2021/2/22/def-intelligence-rythmique